Heureux qui comme Ulysse…

On ne le dira jamais assez ; pour enseigner il faut avoir le goût des voyages et de l’aventure.

Les amateurs de voile savent bien que pour aller d’un point A à un point B, la solution n’est pas la ligne droite. En pédagogie, c’est la même chose ; il faut savoir tirer des bords pour atteindre son objectif.

En septembre, lorsque je découvre mes nouveaux élèves à l’occasion de la réunion de rentrée, je  sais  déjà que nombre d’entre eux ont un lourd passif avec le « français ». Certains maîtrisent difficilement la graphie, d’autres souffrant de dysorthographie, dyslexie et autres problèmes  en « dys » traînent derrière eux des années de suivi orthophonique,  pour d’autres le français est une véritable langue étrangère, d’autres encore malgré des années de scolarité disposent d’un vocabulaire si limité qu’ils peinent à s’exprimer clairement. Ex : « Madame, il faut parler à l’oral ? », « Moi, j’ai fait un stage dans une fleuristerie », « Mes profs ils disent tous que je fais des parlages », « La méthodologie ? Oui, je sais, c’est la méthodologie grecque », «  le 14 juillet ? c’est la deuxième guerre mondiale ! ».

Sans parler d’éléments culturels qui leur font défaut – j’ai souvenir d’un élève qui avait emmené une paire de pantoufles dans son sac à dos sous prétexte que ce jour-là on les emmenait au Salon … de l’orientation professionnelle !

Et tous (ou presque)  ont, enfouis au fond d’eux-mêmes (plus ou moins profond pour certains, il faut bien le dire !), l’envie de réussir.  Une fois l’état des lieux posé, la question qui se pose est : Comment faire pour réparer, réconcilier et ensuite avancer tous ensemble  en ayant soin de respecter les rythmes de chacun ? Je sais, par exemple qu’à la seule évocation des mots « écrire », «  grammaire », «rédaction », « conjugaison »,  les mines se renfrognent, les regards s’assombrissent et les écoutilles de mes jeunes élèves de DIMA se ferment. Je sais aussi que si pour certains il faudra plusieurs semaines voire plusieurs mois avant de voir s’opérer un changement d’attitude, pour d’autres la transition se fera plus rapidement et enfin pour d’autres elle n’aura pas lieu.

La première étape consiste donc à  proposer une façon différente de vivre le cours de français, non pas comme un cours mais comme un espace dans lequel chacun va essayer de se faire plaisir.

C’est du moins mon objectif !

Pour cela, un menu « à la carte » est proposé permettant à chacun de picorer en fonction de son appétit du moment.

La seule contrainte étant de mener son travail jusqu’au bout. Cette liberté de choix représente, je crois, un élément de rupture assez fort par rapport aux années collège et participe d’une nouvelle dynamique.  A charge pour l’enseignant de suivre précisément l’itinéraire de chacun des élèves pour s’assurer que le rythme de croisière ne faiblit pas. Je sais également que pour les aider à renouer avec le plaisir de l’écriture, il faut là aussi pratiquer la pédagogie du détour. Quand je leur propose  de démarrer leur travail par la réalisation d’un  dessin ou d’une photo, ils se saisissent plus volontiers  de leur stylo pour ensuite rédiger à partir de ce support.

Mais je sais aussi que parfois quels que soient les outils mis en place, certains apprenants sont la proie de coups de vent force 7  qui ne laissent pas de place aux apprentissages. Dans ces cas-là,  une permission à terre pour le marin déboussolé s’impose avant de poursuivre le voyage. Dans la salle de classe il y a un coin lecture où l’on peut ainsi s’isoler et reprendre son souffle avant de poursuivre sa course.

Fluctuat nec mergitur !

 catherinebos

Catherine Bos, CFI Gambetta, groupe DIMA
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